Leutnant
Démocratie Participative
07 juin 2018
« Si oun occidont »
Dans le tunnel de l’A86, à Nanterre, un automobiliste avait percuté l’engin et écrasé son pilote. Il comparaît depuis ce mercredi devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine.
Le visage de Nicolas apparaît sur les trois écrans de la cour d’assises et glace l’assistance. Les proches de cet homme, fauché à 42 ans, ne retiennent plus leurs larmes. Elles ont coulé à plusieurs reprises depuis le matin. Depuis que s’est ouvert, ce mercredi à Nanterre, le procès de celui qui l’a écrasé avec sa Mercedes le 17 octobre 2014, dans le tunnel de l’A86 à Nanterre. Yazid était énervé après une altercation avec le motard, comme il s’en produit quotidiennement sur la route.
C’était un matin comme les autres. Nicolas se rendait à son travail au guidon de sa Ducati rouge. Yazid conduisait sa Mercedes Classe A pour rejoindre Levallois-Perret, où il travaille. Tous deux approchent du tunnel de l’A86 vers 8h30. Dans le tunnel embouteillé, Yazid essaie de se faufiler pour changer de file. Nicolas doit piler pour l’éviter, selon les témoignages recueillis par les enquêteurs de la police judiciaire, longuement détaillé par un brigadier en ce premier jour de procès.
Quelques instants plus tard, Nicolas arrive à la hauteur de Yazid et sa Mercedes, les deux hommes s’invectivent. Et le motard donne « une claque sur le rétroviseur » de la voiture avant de poursuivre son chemin. Yazid voit rouge. Sur les images de vidéosurveillance diffusée à l’audience, on le voit alors foncer derrière Nicolas et percuter sa moto.
L’accident est épouvantable. « La voiture se cabre, les roues avant se soulèvent, expliquait l’expert accidentologue à la barre, en illustrant le propos de gestes. La Mercedes accroche la moto et son pilote, et retombe. Nicolas est coincé sous la voiture, la moto est déportée. » La victime meurt quasiment sur le coup. « Les lésions thoraciques et abdominales sont la cause directe du décès », a témoigné le médecin légiste décrivant un « poly traumatisme osseux et viscéral majeur ».
Nicolas n’avait aucune chance. « Si le conducteur de la Mercedes avait freiné, la voiture ne se serait pas cabrée, elle aurait propulsé la moto », a affirmé l’expert. Mais Yazid n’a appuyé sur la pédale de frein qu’après le choc. Ce qui démontre bien, selon l’accusation, qu’il avait bien l’intention de foncer sur la moto.
Du détail de la scène, de ce coup de sang meurtrier, Yazid n’a rien dit ce mercredi. Il sera interrogé ce jeudi sur les faits. A l’ouverture du procès, cet homme de 30 ans apparemment abattu a « présenté ses condoléances à la famille » avant de dire d’une voix pleine de trémolos : « C’est un accident, tout s’est passé très vite. J’ai appelé les secours. Pas un jour ne passe sans que je repense à tout ça. » La parole ne lui a pas été redonnée de la journée, qu’il a passée assis sur la chaise de l’accusé, les yeux vissés au sol.
Père de trois enfants, Yazid occupe un modeste emploi rémunéré moins de 1 300 €. Il donne toute satisfaction à son patron qui le décrit comme un homme « réservé, posé, sensé ». « Il est doux, gentil, et c’est un père formidable », assure son épouse, rencontrée lors d’un mariage en 2005. Marié quatre ans plus tard, le couple s’est installé à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), d’où il partait chaque matin pour rejoindre Levallois. Depuis un an, il faisait le trajet au volant de sa belle Mercedes acquise au prix d’économies amassées sou par sou.
C’est si rare d’avoir un maghrébin qui fond un plomb comme ça.
Enfin, ne dramatisons pas, il sera libre d’ici deux ou trois ans.