Leutnant
Démocratie Participative
31 janvier 2020
Sales Blancs.
« Je vous écris pour vous remercier d’avoir gâché ma vie […] Les « prédateurs », c’est vous […] Ceux qui fabriquent la criminalité, c’est vous.«
Il n’y a dans ces propos, tirés des nombreux courriers adressés par l’accusé au juge d’instruction, aucune stratégie de défense, comme l’indique l’expert psychiatre Vincent Camus… juste les mots d’un garçon de 22 ans incarcéré depuis trois ans, un mois et seize jours.
Fin 2016, entre le 18 novembre et le 5 décembre, Roméo Mbah a, quai Paul-Bert à Tours, entre le pont Wilson et le pont de fil, agressé successivement quatre femmes, d’abord pour s’approprier leur téléphone portable puis, dans les deux derniers cas, dans la perspective d’une relation sexuelle. Quitte à recourir à la violence…
Son attitude dans le box, plus encore son comportement en détention, incite la présidente de la cour d’assises Aude Cristau à lui demander s’il a compris la gravité des faits qui lui sont reprochés (tentative de viol, vol avec violence, extorsion avec arme…) et s’il a conscience qu’il encourt entre un an d’emprisonnement et trente ans de réclusion criminelle.
Né à Yaoundé en 1997, Roméo est très tôt abandonné par sa mère encore mineure et recueilli par sa grand-mère. Au décès de cette dernière – il a alors 10 ans – il décide qu’il gagnera la France. Cela lui prendra quelques années, via le Nigeria, l’Algérie, le Maroc puis l’Espagne. Il arriverait à Paris en 2013. Arriverait… car aucun document ne vient corroborer ses déclarations. Ni qu’il aurait un frère jumeau, un grand frère, une sœur…
Élevé tout seul, il n’a guère de repères, ni temporaires, ni sociétaux.
Illustration avec sa seule relation connue, qu’il a « prise dans les toilettes sans qu’elle ait eu le temps de dire ni oui ni non », selon les propres termes de l’intéressée. Un rapport à la femme inaudible pour les parties civiles, mais à l’image de celui qu’il a en détention (« vous êtes payés pour vous occuper de nous ») et à son attitude vis-à-vis de la justice (« Rendez-moi ma liberté, vous me faites mal »).
Quels que soient les faits énoncés devant lui, il se positionne en victime : qui de la justice, qui du système carcéral, qui des femmes… Si ce n’est pas une surprise s’agissant des vols avec violence et extorsions avec arme, parce qu’il refuse depuis le début de les reconnaître même si les victimes l’ont identifié… c’est en revanche un vrai coup de tonnerre quand il livre une version aux antipodes de celle de la troisième victime, jeune femme de 25 ans détruite par cet épisode ô combien traumatisant.
Quand il lui a dit : « Il faut que je baise », elle n’a eu aucun doute sur ses intentions et était prête à mourir plutôt que d’être violée. Alors, l’entendre dire qu’elle s’est méprise sur ses intentions et qu’il a simplement voulu la protéger tout en l’empêchant de crier… c’en était trop, alors même que la Pr Pauline Saint-Martin a, sans aucun doute possible, identifié chez elle un syndrome de stress post-traumatique caractérisé.
Devant un tel système de défense, tant Mes Sarah Mercier et Marc Morin pour les parties civiles, Christian Magret pour le ministère public, Mes Béatrice Bordone-Dubois et Abed Bendjador fils pour la défense, que la présidente Aude Cristau, espèrent une autre posture pour le deuxième jour d’audience.
Les juges « espèrent » d’un violeur camerounais.