Leutnant
Démocratie Participative
27 novembre 2022
Les hôpitaux français, c’est quelque chose.
La douceur de sa voix, son ton dépourvu d’acrimonie, sa retenue naturelle en feraient presque oublier, un instant, l’horreur de son récit. Elle qui, à 78 ans, pensait sans doute être à l’abri d’une telle effraction dans son intimité. En particulier au sein d’un établissement de santé…
Et pourtant. Ce 27 juillet 2022, voilà déjà deux semaines qu’Agnès (les prénoms ont été modifiés) est soignée pour une mauvaise chute à l’hôpital Max-Fourestier de Nanterre (Hauts-de-Seine), au rez-de-chaussée d’un des pavillons composant ce vaste ensemble hospitalier, qui comprend également un lieu d’accueil pour les sans-abri. Ce matin-là, il est environ 9h30 lorsqu’un homme — ni soignant, ni visiteur, ni patient — s’introduit dans la chambre qu’elle partage avec une autre patiente.
« Je lui ai demandé ce qu’il voulait, il a juste mis son doigt devant sa bouche, en signe de silence. J’ai commencé à avoir très peur », raconte la vieille dame. L’homme jette un œil derrière le rideau de séparation, « comme s’il choisissait sa proie », se penche sur le lit d’Agnès et tire violemment ses jambes vers lui. « Je répétais : Ah non ! Vous ne me ferez pas ça ! » raconte-t-elle.
Las, elle subit un premier assaut et une pénétration forcée. L’inconnu s’approche même une seconde fois, mais Agnès agrippe violemment son membre et le tord. « Je voulais qu’il reste des traces pour qu’on l’identifie », témoigne-t-elle, digne. Enfin alertée par les cris de deux dames, une infirmière accourt et se jette sur lui. Mais il la frappe et disparaît en courant au bout du couloir.
Sophie, la fille d’Agnès, n’est avertie qu’en début d’après-midi. « Votre maman a eu un petit souci, voilà ce qu’on m’a annoncé, se souvient-elle. Ce n’est qu’une fois sur place qu’on m’a parlé de viol. J’étais scotchée. » Instinctivement, Sophie demande s’il y a d’autres victimes. Silence. Elle apprendra finalement, « par des bruits de couloir » et des articles de presse, que l’homme en question a, en effet, récidivé moins de trente minutes après, en précipitant au sol une retraitée de 68 ans qui rejoignait son Ehpad, également situé dans l’enceinte de l’établissement… Celle-ci a également été violée.
« Ont-ils eu une réaction adaptée ? Ont-ils appelé immédiatement les policiers ? Comment a-t-il pu recommencer sans que personne n’entende crier, en plein jour, dans un lieu de passage ? » se demande aujourd’hui Sophie, très en colère, qui a décidé de porter plainte avec sa maman contre la structure pour « mise en danger de la vie d’autrui ». « C’est un lieu qui doit être sanctuarisé. Ce n’est tout simplement pas acceptable ! » résume-t-elle, pointant le défaut de sécurisation de l’hôpital.
Quelques jours avant les faits, Agnès s’était en effet plainte qu’on l’espionnait dans l’entrebâillement des fenêtres et avait insisté pour les garder fermées, en dépit des fortes chaleurs. Avait-il fait des repérages ? « J’ai eu le sentiment qu’il connaissait les lieux, il semblait à l’aise. C’est ça qui m’a fait le plus peur », témoigne encore la vieille dame, qui a entamé une psychothérapie pour surmonter son traumatisme.
Très vite, Sophie se rend également compte que l’issue de secours qui a vraisemblablement servi à l’agresseur s’ouvre très facilement de l’extérieur… Une défaillance déjà signalée à la direction par les infirmières. En vain. « Je leur ai dit : Il vient d’y avoir un viol, on ne peut pas laisser ça tel quel ! » Il lui est répondu que la porte est réparée. « C’était faux. Un mois après, tout ce qu’ils avaient fait c’était de placer une grande barre en bois pour empêcher la porte de s’ouvrir ! Y compris de l’intérieur… C’est n’importe quoi », s’agace-t-elle, clichés à l’appui.
« J’ai aussi appris que les soignants, par peur des agressions, réclamaient déjà depuis un moment d’être accompagnés d’un lieu à un autre. C’est bien la preuve que quelque chose ne va pas », poursuit Sophie. Dès le lendemain, sous la pression du personnel soignant, en colère, des vigiles supplémentaires sont embauchés, dont un posté à l’entrée du pavillon incriminé.
À l’époque, l’agresseur court encore. Ce SDF de 27 ans sera finalement interpellé le 9 septembre, presque par hasard, en train de frauder, gare de Lyon à Paris. Ses empreintes génétiques permettront de lui attribuer un troisième viol, commis deux jours après ceux de l’hôpital, toujours à Nanterre. L’homme avait repéré une fillette de douze ans depuis la rue, avait réussi à se glisser dans l’appartement par une fenêtre, l’avait enfermée à clé, étranglée, et lui avait imposé plusieurs actes sexuels avant de prendre la fuite. Un violeur en série présumé, qui a reconnu en garde à vue agir sous le coup de « pulsions » en ciblant des populations vulnérables. « C’est terrible, tout ça aurait pu être évité… », lâche Agnès en secouant la tête.
Contactée, la direction de l’hôpital, qui n’est pas informée du dépôt de plainte, fait valoir les mesures prises depuis les faits : contrôles d’identité systématiques, système de sonnette pour entrer dans les services, réparation de certaines caméras de surveillance et de toutes les portes… « On a énormément durci les conditions d’entrée, tout le monde a été assez traumatisé », reconnaît-on. Mais ces mesures, postérieures aux faits, sont sans incidence sur la plainte déposée fin septembre par Agnès et sa fille Sophie, contre l’établissement ainsi que sa directrice.
« L’hôpital a à sa charge des obligations de sécurité et de vigilance renforcées, compte tenu du public vulnérable qui y est accueilli, décryptent Mes Amelle Bouchareb, associée du cabinet Barok, et Ouadie Elhamamouchi, leurs avocats. Il a complètement failli à sa mission, en permettant un accès facilité et des intrusions, et ce alors même qu’il avait été alerté en amont. On a là des carences patentes et une inertie totale dont il va falloir répondre. » Sollicité, le parquet de Nanterre nous indique que la plainte « est encore à l’étude ». Une enquête pourrait être rapidement ouverte pour faire la lumière sur les dysfonctionnements dénoncés.
Pour Agnès, le mal est fait. Si elle refuse de s’épancher, par pudeur, l’expert psychiatre l’ayant examinée a relevé cauchemars, tristesse, culpabilité et honte. « Ma maman est devenue extrêmement anxieuse, alors que jusqu’ici, c’est elle qui me rassurait », dit Sophie. Mais leur souci est surtout altruiste : « On ne veut pas que ça se reproduise. » Quant à l’agresseur, des sentiments mitigés traversent la vieille dame. « Je lui en veux d’avoir bouleversé ma vie, la vie dont j’avais rêvé, qui était toute tracée. Cet homme-là doit se faire soigner. Mais en fait, je suis surtout en colère que ça ait pu se produire. Ça, ça ne passe pas », conclut-elle.
Il est 7h20 ce matin-là lorsque les fonctionnaires s’approchent d’un homme qui vient de franchir les tripodes sans titre de transport dans le hall du RER en direction de la ligne 1 du métro. Les gardiens de la paix décident de le contrôler. « Ils lui ont demandé ses papiers d’identité mais il n’en avait pas », explique une source proche de l’affaire. Également sans adresse, le SDF donne tout même son nom et une rapide vérification permet aux agents de l’identifier comme un ressortissant congolais sous le coup d’un mandat de recherche lancé par un magistrat du tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine).
Les autres arrivent.
Une importante opération de sauvetage était en cours mardi au large de l’île de Crète, en Grèce, pour venir en aide à environ 500 migrants en détresse. Deux cargos, un pétrolier et deux bateaux de pêche italiens participent à l’opération.https://t.co/aKEDJ06Iqw
— InfoMigrants Français (@InfoMigrants_fr) November 22, 2022