Leutnant
Démocratie Participative
08 Février 2021
L’amour est dans la mosquée.
« Je n’avais pas conscience que ça allait prendre de telles proportions. Je ne connais pas bien la loi française. Je mérite un bon rappel à la loi, et des réparations. » Il est près de minuit au tribunal à Nancy quand Ahmed Ibrahim, 28 ans, tente de convaincre qu’il ne mérite pas la prison.
Dans son box, le prévenu ne semble pas avoir pris la mesure de la gravité de ses actes, malgré quatre heures d’une audience exceptionnelle. Les faits reprochés sont édifiants : le jeune homme, en première année d’étude pour devenir professeur des écoles à Metz, a publié plusieurs annonces pour exécuter son ex et son nouveau petit ami, sur des sites de tueurs à gage. Il se rendait pour cela sur le darknet, un réseau informatique illégal, marché noir du crime organisé.
L’internaute ne se contente pas de demander des informations sur les tarifs des différentes « prestations » proposées. Il livre également les photos, adresses à Nancy et lieux de travail des victimes. Ses interlocuteurs sont loin d’être des amateurs. On retrouve le cartel de Sinaloa, l’une des plus importantes organisations criminelles mexicaines. Ils ne recevront – heureusement – jamais l’argent. Pourtant, sur un forum de discussion, Ahmed dit avoir été escroqué de 3 000 dollars par l’un des sites qu’il a contactés. Et un prêt à la consommation de 3 400 € laisse planer le doute sur ses intentions réelles.
Les investigations ont pu être réalisées grâce à un signalement sur la plateforme Pharos et une alerte de journalistes de la chaîne anglaise BBC, auteurs d’une enquête sur les plateformes numériques de crime organisé. Le lien avec le prévenu est rapidement établi. Sur son ordinateur, les policiers retrouveront un dossier intitulé « Personnes à éliminer ».
Face aux multiples questions du tribunal et de la partie civile, Ahmed Ibrahim tient une ligne de défense étrange, celle de la curiosité : « Je n’ai jamais eu l’intention de la tuer. Je voulais voir jusqu’où ça irait. Je suis curieux, c’est un vilain défaut que j’ai. » Le jeune homme reconnaît néanmoins avoir vécu sa rupture avec « amertume et colère ». Il n’exprimera ni regrets ni excuses. « Il n’y a aucune prise de conscience, aucun mot pour les victimes », s’est emportée Me Émilie Fritsch, conseil des parties civiles.
« On parle là d’un délit qui frise la cour d’assises », a renchéri le substitut du procureur Nicolas Burckel, qui a requis cinq ans d’emprisonnement dont deux avec sursis. Malgré la plaidoirie de la défense, représentée par Me Moudni-Adam, le prévenu s’est tiré une balle dans le pied en réfutant un rapport psychiatrique faisant état d’une altération du discernement. Il a été condamné à quatre ans de prison, dont deux avec sursis.
Reste un couple qui vit dans la terreur. La victime, alertée par les journalistes anglais qu’un contrat planait sur sa tête, vit recluse et s’est effondrée durant l’audience. Elle a également déposé plainte contre son ex-copain pour viol. Une procédure est en cours.
L’ex-futur professeur des écoles tchadien a été condamné à deux ans de prison ferme. Il sera libre l’année prochaine.