Leutnant
Démocratie Participative
13 février 2020
Quel beau peuple et quelle belle religion.
Une soirée de violences. Beaucoup d’alcool, de la drogue. Des insultes : « Je te tue, je te plante ! » Des accrochages répétés avec les voisins des 3e et 4e étages, et puis le geste fou de l’homme par lequel le scandale du 1er de l’An est arrivé, rue Trompette, cité des Hirondelles (13e). Triste passage à l’acte. Le voisin du deuxième, précédé par sa réputation dans le quartier, Tahar Bouacida, 51 ans, qui se jette sur le bouledogue de la voisine et le propulse dans le vide depuis le 4e étage. Nala n’y survivra pas.
On voudrait comprendre ce qui lui est passé par la tête, mais il affirme ne pas se souvenir. En garde à vue, dans un premier temps, il a joué les innocents offensés : « C’est un gag ! Tout est faux ! » Mais aujourd’hui, la pression judiciaire est plus forte. Il ne peut plus raconter n’importe quoi.« Si j’ai fait ça, j’ai honte, glisse-t-il, elliptique, mais je ne m’en souviens pas ». La phrase, il voudrait la tourner à l’infini, tel un beurre blanc, dans le prétoire médusé. « Je suis vraiment désolé pour l’animal ! » Comme s’il reconnaissait sans reconnaître… Car il a expliqué que lui aussi, il a un animal à la maison, un chat, en tout cas pour sa fille.
L’expert psychiatre, qui a tenté de décoder le singulier personnage, marié et père de quatre enfants, a conclu à l’altération de son discernement.
« Il était prêt à tuer et il a tué Nala », lance la propriétaire du chien, le bouledogue de 5 ans, retrouvé inanimé au sol. « Qu’est-ce qui lui a pris de s’en prendre à nous ? » s’interroge, ingénu, un autre voisin. Onze condamnations portées à son casier entre 1989 et 2017 font tache dans son paysage judiciaire.
Sept associations de défense des animaux se sont constituées parties civiles au procès. Toutes invoquent un acte de cruauté. Toutes rappellent le statut d' »être vivant sensible » conféré par la Cour de cassation aux animaux.
« C’était le troisième enfant de la famille. Un petit animal gentil, adoré », martèle Me Jassem, l’avocate de la propriétaire de Nala. « Comment ce chien aurait-il pu se jeter du quatrième ? interroge Me Azize, pour l’autre voisin. Aujourd’hui, on fait l’autruche, mais que se serait-il passé s’il y avait eu un enfant ce jour-là ? » « Un chien ne se suicide pas », insiste Xavier Bonnard, le président de la SPA Marseille-Provence. « On commence toujours par s’en prendre aux animaux et après, on fait du mal aux humains », assure-t-il.
Pour 30 millions d’amis, Me Spiteri déplore ce qui est arrivé à Nala, réduit au statut de « quantité négligeable ». La Fondation Stéphane Lamart rappelle qu’un foyer sur deux en France dispose d’un animal. La Fondation Bardot demande que soit confisqué le chat et que soit prononcée, à l’encontre du prévenu, une peine d’interdiction de détenir un animal. « Quand il nous dit qu’il voulait faire ‘Scarface’, ça fait froid dans le dos ! » analyse le procureur adjoint Jean-Yves Lourgouilloux, qui va réclamer trois ans de prison, dont la moitié avec sursis et mise à l’épreuve avec obligation de soins et interdiction d’entrer en contact avec les victimes. Me Harutyunyan, en défense, ciblera « une enquête bâclée » et insistera sur « les troubles psychiatriques avérés » de son client.
Le tueur du chien a écopé de deux ans de prison dont un an ferme, de l’interdiction de détenir un animal et de revenir dans le quartier.
Encore un déséquilibré qui ne se rappelle de rien.