Captain Harlock
Démocratie Participative
31 août 2020
Depuis le temps qu’il est annoncé, j’attends des détails sur la lutte « contre le séparatisme » qu’est censé mener le gouvernement. Marlène Schiappa a donné quelques éléments au Journal Du Dimanche.
Le JDD :
Le Premier ministre, Jean Castex, avait promis pour la rentrée « un projet de loi sur la lutte contre les séparatismes » : où en est-il?
Le projet de loi contre les séparatismes sera présenté au conseil d’État puis devant le Conseil des ministres d’ici à la fin de l’année, pour que les discussions parlementaires puissent s’entamer début 2021. La sécurité est l’une des priorités de la rentrée, avec le Covid bien sûr et le plan de relance. Je présenterai d’ailleurs ma stratégie de prévention de la délinquance dans les semaines qui viennent.
Que contient-il, ce projet de loi très attendu?
Gérald Darmanin et moi n’avons pas encore terminé l’ensemble des discussions sur le contenu du projet de loi. L’idée est de donner un cadre juridique à tout ce qui relève de la zone grise. Depuis le début du quinquennat, nous avons déjà mené beaucoup d’actions pour lutter contre la radicalisation et les séparatismes : 210 débits de boisson ont été fermés par les services de l’État, ainsi que 15 lieux de culte, 12 établissements culturels et associatifs et 4 écoles, parce qu’il s’agissait de lieux de regroupement pour organiser le séparatisme islamiste. Avec ce projet de loi nous voulons aller plus loin. Aujourd’hui, on peut poursuivre quelqu’un qui se revendique comme imam et remet en cause dans ses prêches l’égalité femmes-hommes par exemple, mais on n’a pas les éléments suffisants au niveau législatif pour faire fermer le lieu où il officie.
Voulez-vous amender la loi de 1905 de séparation des églises et de l’État, « pilier du temple » républicain comme l’avait qualifié Jacques Chirac?
La loi de 1905 a une portée symbolique forte, mais pas seulement. Il s’agit de renforcer notre cadre juridique, en aucun cas de l’affaiblir. Je suis très attachée aux principes de 1905. La France est le seul pays qui ait une loi aussi ancienne sur la laïcité. Lors des débats, à l’époque, Jaurès avait dit : « Juridiquement, la question de la laïcité est réglée. » Ça fait sourire aujourd’hui.
Vous souhaitez mieux encadrer le financement des associations par exemple. Comment comptez-vous le faire?
Nous pouvons mieux réglementer le financement des associations loi 1901, non-cultuelles, qui n’entrent normalement pas dans le champ de la loi de 1905. Les subventions publiques seront désormais conditionnées par la signature d’une « charte de la laïcité et des valeurs de la République« , avec possibilité d’opposition du ministère de l’Intérieur.
Certains élus pointent le rôle d’associations sportives, de l’éducation à domicile comme point d’appui de groupes séparatistes. Que faire?
Ces élus ont raison de le faire et sont très courageux. Je veux leur rendre hommage. Dans beaucoup de quartiers, le vide créé notamment par le recul du PCF, qui assurait une présence sociale, a laissé place à des associations communautaires qui affichent des objectifs « feel good ». Aujourd’hui, l’offre attractive est dans beaucoup d’endroits l’offre radicale, c’est tout le combat culturel que nous devons mener. Dans certaines villes, des élus ont favorisé le séparatisme, comme à Grenoble où le maire EELV Eric Piolle a considéré comme normale l’action coup de poing de femmes qui défendaient leur droit à venir à la piscine en burkini! C’est assez lâche, et contraire aux valeurs de la République. C’est tout le combat culturel qu’on doit mener. C’est le sens de l’opération Quartiers d’été, financée intégralement par les services de l’État, pour un budget de 110 millions d’euros du ministère de l’Intérieur ; 500.000 enfants et jeunes en ont bénéficié cette année. Nous reconduisons la même opération à l’automne.
Schiappa fait un aveu sans s’en rendre compte à propos d’une mesure tangible. En liant le « séparatisme islamiste » et le programme « Quartiers d’été », elle avoue que cette opération au coût exorbitant est une campagne de contre-insurrection du type employé lors de la Guerre d’Algérie visant à détourner les masses de jeunes afro-maghrébins des organisations subversives islamiques qui sont actives dans leurs quartiers de peuplement.
Le fait que Schiappa cible le maire écolo-gauchiste Eric Piolle quelques jours seulement après Darmanin démontre que LREM entend faire douter la bourgeoisie urbaine de la crédibilité d’EELV sur la question de la sécurité dans les métropoles. Le message implicite adressé aux CSP+ métropolitains tentés par le vote écologiste en 2022 est que Macron surveille de près de lumpenproletariat musulman des banlieues environnantes.
Il est très probable que le régime utilise le prochain procès de Charlie Hebdo pour rappeler aux bobos qu’ils peuvent à tout moment se faire assassiner par des djihadistes de banlieue si Macron ne veille pas à assurer la sécurité de leurs cafés-concerts et de leurs bars gays. En particulier, l’utilisation médiatique de la loi de 1905 par Schiappa dans cet article vise à exploiter le consensus néo-laïcard bourgeois pour dire aux bobos que Macron protégera le libéralisme sociétal face aux islamistes, notamment les bourgeoises féministes et le lobby LGBT.
Prévoyez-vous de réglementer la formation des imams?
La particularité de la religion musulmane est qu’elle n’est pas pyramidale, ce n’est pas un jugement de valeur mais un constat. L’État a tenté d’organiser le dialogue avec l’islam en créant le CFCM (Conseil français du culte musulman) mais il est contesté par une partie des croyants qui ne s’y reconnaissent pas. Est-ce à l’État d’organiser la religion musulmane? Je ne le crois pas. Mais est-ce qu’on peut accepter que des imams viennent de l’étranger, ne parlent pas français, et ne connaissent pas les valeurs de la République? Je ne le crois pas non plus. Nous nous situons sur cette ligne de crête.
Que faire pour lutter contre les dérives sectaires, une autre forme de séparatisme?
Cette question va être très importante pour moi qui en ai la responsabilité. La Miviludes, qui surveille les phénomènes sectaires en France et les signale à la justice en cas de danger, est maintenant rattachée au ministère de l’Intérieur. Je vais envoyer dans les prochains jours une circulaire aux préfets afin de les enjoindre à « faire systématiquement des signalements dans le cadre de l’article 40 [du Code de procédure pénale, qui impose à tout fonctionnaire de signaler au procureur les crimes et délits dont il a connaissance] pour que des enquêtes soient ouvertes, sur ces groupes qui veulent vivre selon leurs propres règles. Je vais également demander aux préfets d’accélérer la cadence sur le harcèlement de rue car séparatisme et égalité femmes-hommes sont très liés. Dès lors que des hommes se sont approprié l’espace public et estiment que les femmes n’ont rien à faire dehors, c’est une infraction. Depuis la promulgation de la loi du 3 août 2018, les forces de l’ordre ont verbalisé 1.723 personnes, dont 586 en 2020. D’ailleurs je veux inscrire dans la loi l’interdiction des certificats de virginité. C’est un acte de cruauté ignoble, un sexisme d’un autre âge. Aucune citoyenne ne doit avoir à prouver sa virginité à qui que ce soit.
Évidemment, la bourgeoisie prétend préserver sa suprématie culturelle et idéologique, ce qu’elle appelle « les valeurs de la République » et qu’elle définit comme bon lui semble selon ses intérêts du moment. Parmi ces pseudo « valeurs », l’importance pour les Blanches émancipées des grandes villes françaises comme Marlène Schiappa de ne pas trop se faire emmerder par des crevards maghrébins.
Quant aux certificats de virginité, c’est un artifice de nature à faire plaisir aux bourgeoises féministes islamo-critiques comme Elisabeth Badinter qui n’aura aucune espèce de portée réelle sur le terrain. En la matière, ce sont les hommes musulmans qui fixent les règles puisqu’ils n’ont pas renoncé à mettre la pression sur leurs femmes.
C’est ensuite qu’apparaît la contradiction fondamentale des intérêts de la bourgeoisie macroniste.
Au-delà du projet de loi contre les séparatismes, vous souhaitez aussi faciliter l’accueil des étrangers. Comment réduire à six mois le délai de réponse aux demandeurs d’asile?
C’est un engagement du président de la République, la loi est votée, je le ferai avant la fin du quinquennat. À l’heure actuelle, ce délai est en moyenne de près de deux ans! Cette situation est inhumaine et intenable, pour tout le monde. Je souhaite poursuivre l’action engagée pour accélérer la procédure de l’Ofpra, qui compte déjà 200 employés en plus pour pouvoir mieux traiter les dossiers. Avec mon cabinet, je rencontrerai chaque semaine l’Ofpra pour faire le point.
Beaucoup d’étrangers ont prêté main forte à la France au plus fort de la crise sanitaire, et leurs dossiers de régularisation sont toujours en souffrance. Que comptez-vous faire pour eux?
En effet! Je réfléchis à la manière d’accélérer l’obtention de la nationalité française pour les travailleurs étrangers qui sont engagés dans une procédure de demande validée par les préfets et qui ont été au front pendant la période de confinement : éboueurs, caissiers et caissières, gardes d’enfants, personnels des hôpitaux… Ils et elles ont montré leur attachement collectif à la nation en lui permettant de continuer à fonctionner.
Voilà cette contradiction : tout en voulant maintenir sa suprématie culturelle et morale sur les grandes villes françaises où elle vit, la bourgeoisie cosmopolite macroniste entend continuer d’importer la main d’œuvre du tiers-monde qu’elle exploite quotidiennement grâce à l’uberisation.
Inutile de dire que si l’on importe toujours plus de migrants d’Afrique ou du Moyen-Orient, le nombre d’individus ayant des codes culturels archéo-musulmans augmente mécaniquement, renforçant par voie de conséquence ce fameux « séparatisme » culturel que Schiappa prétend contenir par ailleurs. En définitive, les besoins immédiats de la bourgeoisie cosmopolite priment sur les effets secondaires dont elle se plaint.
L’action de Schiappa est essentiellement cathartique et se limite à des mesures homéopathiques pour rassurer l’électorat bobo.
Le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher en 2015 s’ouvre mercredi. Où en est-on de la menace terroriste en France aujourd’hui?
Toutes les semaines, des attentats sont déjoués sans que l’on en fasse la publicité : il y en a une vingtaine depuis 2017. Ce sont les attributions de Gérald Darmanin. Avec ce procès est venu le temps de voir dans le débat public qui a le courage de prendre le parti de la liberté d’expression. J’ai déjà été la cible de caricatures de Charlie Hebdo, de unes hostiles. Tant mieux. Je suis heureuse de vivre dans un pays où les journalistes peuvent caricaturer, critiquer les membres du gouvernement. Je réaffirme aussi qu’en France il n’y a pas de délit de blasphème, on peut critiquer Dieu. Ça allait de soi il y a trente ans mais aujourd’hui c’est courageux de le dire.
Dans mon article La dictature du prolétariat blanc, j’évoque un phénomène social et politique bien identifié qu’est le sécessionnisme de la bourgeoisie, de droite et de gauche, désormais réunifiée par Macron sous la bannière LREM. La bourgeoisie cosmopolite voit dans l’état-nation français un boulet colonial similaire à ce qu’était l’Algérie en 1962. Elle entend se libérer des populations blanches de l’arrière-pays en sabotant partout les mécanismes historiques de la solidarité nationale.
Il ne vous a pas échappé que le plan de relance ne pourra pas compenser les pertes gigantesques liées au confinement absurde décrété par la bourgeoisie macroniste. Des arbitrages auront donc lieu et il est probable qu’elle s’en serve pour euthanasier sans le dire des pans entiers du territoire dont elle veut se débarrasser. Accélérer la « décolonisation » franco-française, pour utiliser une image assez parlante. La bourgeoisie macroniste contrôlant l’appareil d’état, le plan de relance sera structuré pour asseoir encore davantage sa suprématie économique.
Usant d’une inversion accusatoire caractéristique, la bourgeoisie métropolitaine qui contrôle sans partage l’Etat considère, contrairement à ce qui se passe réellement, que ce sont les périphéries blanches progressivement abandonnées et déclassées qui font sécession et, dans une certaine mesure, certaines banlieues musulmanes en marge des grandes métropoles.
Ne voulant évidemment pas soutenir les classes moyennes blanches qu’elle détruit méthodiquement, la bourgeoisie cosmopolite s’apprête à annoncer l’utilisation des moyens durs de l’Etat, dont sa police et sa justice, pour maintenir la suprématie politique de l’hyperclasse sur les périphéries blanches abandonnées grâce à ce concept volontairement flou de « lutte contre LES séparatismeS » (notez le pluriel).
Structurellement, la bourgeoisie macroniste ne redoute pas le lumpenproletariat de banlieue qui dépend de ses transferts sociaux, du trafic de drogue et de l’uberisation. En revanche, l’invasion de ses quartiers par le prolétariat blanc lors de la crise des Gilets Jaunes l’a véritablement terrorisée.
Aussi, quand Schiappa évoque « ces groupes qui veulent vivre selon leurs propres règles », n’allez pas imaginer que cela concerne exclusivement les musulmans. Cela concerne la moitié de la population française, très majoritairement blanche, qui vit en dehors des grandes métropoles où vit l’hyperclasse et dont elle redoute le potentiel révolutionnaire.
Le système entre en phase de contre-insurrection générale pour écraser par la coercition les classes moyenne et populaire blanche. En agitant l’islamisme dans les médias, il peut faire diversion et endormir la vigilance du prolétariat blanc qui n’apprécie guère l’immigration musulmane. En réalité, c’est bien à l’intensification de la guerre civile qu’on assiste entre l’hyperclasse et les opposants à l’hyperclasse.