Les féministes appellent à l’empoisonnement de masse des hommes

La Rédaction
Démocratie Participative
18 novembre 2024

Les médias relaient à présent des appels au terrorisme vaginal de masse.

20 Minutes :

Vous les avez peut-être croisées au détour d’un scroll sur les réseaux sociaux, sans comprendre ce qu’elles sous-entendaient. De plus en plus de femmes se filment, sourire aux lèvres, glissant quelques gouttes d’un mystérieux liquide dans des verres. Cette mise en scène dépeint l’empoisonnement d’une boisson par l’aqua tofana, un poison créé en Italie, selon la légende, par Giulia Tofana.

Le mouvement MATGA (Make aqua tofana great again), clin d’œil au fameux MAGA (Make America Great Again) de Donald Trump, fraîchement réélu à la tête des Etats-Unis, est né. Venu des Etats-Unis, il constitue une réappropriation de l’histoire de Giulia Tofana qui aurait vendu son poison à des centaines de femmes. Et grâce à qui plus de 600 d’entre elles auraient réussi à s’extraire d’un mariage avec un homme violent.

C’est réel.

« Au XVIe et XVIIe siècle, un commerce d’eau empoisonnée se développe en Italie et dans toute l’Europe et réactive la peur de l’empoisonnement. Il y a plusieurs versions des origines de l’aqua tofana. La légende commence avec Teofania di Adamo, qui a été exécutée à Palerme pour empoisonnement en 1633. Puis, en 1659 à Rome, un groupe de femmes est pendu pour avoir fait commerce d’une eau empoisonnée appelée aqua tofana », relate Margaux Buyck, chercheuse associée à l’université Paris Nanterre et membre du laboratoire Memo.

Quant à Giulia Tofana, « son existence est plus incertaine, certaines sources la présentent comme la fille ou la petite fille de Teofania di Adamo qui aurait migré à Rome pour continuer le commerce de son aïeule », explique l’historienne Margaux Buyck.

S’il est difficile de savoir exactement si les affaires sont liées ou combien d’hommes sont morts après avoir ingéré de l’aqua tofana, le poison a sans conteste marqué son époque. Dans sa biographie du pape Alexandre VII, le cardinal Pietro Sforza Pallavicino évoque d’ailleurs une « silencieuse boucherie de maris ». Preuve de la popularité et de la paranoïa qui entouraient ce poison, Wolfgang Amadeus Mozart confiera sur son lit de mort sa peur d’en avoir ingéré à son insu.

Sur Google Trends, la recherche « Aqua toafana ingredients » a bondi de 160 % aux Etats-Unis, celle sur l’arsenic de 130 %. Parallèlement, le mot-clef « antidote » affiche + 140 % de recherches. « Avec ce mouvement, on est sur la réactivation d’une menace et d’une peur masculine séculaire, celle d’être empoisonné par la main d’une femme », analyse Margaux Buyck.

Alors que des hommes agitent la menace du « ton corps, mon choix », une référence à l’avortement mais aussi au viol, ces femmes répondent par la menace du poison. « Les femmes ont exploité cette peur-là tout au long de l’histoire. On en retrouve des traces dès l’Antiquité », explique l’historienne des poisons qui cite de nombreuses affaires judiciaires où violences conjugales et empoisonnement s’entremêlaient.

Sur Instagram, la tatoueuse Solène, alias « Solène la guêpe », a publié son interprétation de Giulia Tofana. « J’ai découvert ce tableau récemment et son histoire m’a touchée, notamment dans le contexte de la lutte contre les violences faites aux femmes, comme le procès de Mazan », explique la tatoueuse, qui exerce à Paris. « C’est le symbole d’une colère générale des femmes », glisse-t-elle, précisant que son interprétation a immédiatement été réservée et doit être encrée samedi.

« C’est intéressant de voir la figure de l’empoisonneuse, extrêmement négative à l’origine, devenir une figure positive, analyse Margaux Buyck. Considérer les empoisonneuses comme des femmes qui s’émancipent des hommes est une analyse extrêmement récente, post-Me too. » L’historienne du poison cite le clip de Lady Gaga, Paparazzi, comme un exemple de ce retournement de stigmate. Précurseuse, la chanteuse y joue le rôle d’une femme violentée par son compagnon, et qui finit par l’assassiner avec du poison.

« On arrive sur une ère où l’empoisonneuse peut devenir la nouvelle sorcière », estime Margaux Buyck. La sorcière, figure féminine haïe durant des siècles, est en effet aujourd’hui devenue un symbole du féminisme. Cette récupération se fait toutefois en tordant légèrement l’histoire.

Car si l’aqua tofana (et, plus généralement, le poison) était souvent utilisé par les femmes pour se débarrasser de leur mari, les victimes n’étaient pas systématiquement des hommes violents. « On assiste à une réécriture de l’histoire. L’affaire de 1659, c’était en réalité une association de malfaiteurs dont le but essentiel était lucratif », sourit Margaux Buyck. Rassurez-vous, toutefois, messieurs. D’après l’historienne du poison, les femmes qui reprennent la légende de l’aqua tofana « sont dans le registre de la menace symbolique, il est peu probable qu’il y ait des passages à l’acte ».

Est-ce que si on lance un mouvement « symbolique » en faveur de l’empoisonnement des épouses horribles, nous aurions le droit à une couverture médiatique positive ?

*Merci à Pocahontas

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