Vincent Reynouard
Sans Concession
10 août 2023
Un correspondant m’écrit: « Depuis bien longtemps, et sur beaucoup de sujets, vous réclamez des débats contradictoires que vous n’obtiendrez jamais. J’admire votre persévérance qui confine à la naïveté. »
L’auteur invoque les « lois mémorielles » :
« Des gens se servent de ces lois pour obtenir de l’argent et des pouvoirs, il n’est donc pas dans leur intérêt de débattre avec vous. Il est vrai que demander des débats et ne pas les obtenir accrédite vos thèses. Toutefois, je ne suis pas sûr que l’Européen moyen biberonné à l’antinazisme et à la Shoah soit bien conscient des [sottises] qu’on lui raconte; mais il y a pire, je pense sincèrement qu’il s’en [moque] complètement, car il n’a pas non plus conscience de ce que cela implique dans sa vie de tous les jours. En effet, le problème n’est pas l’existence ou l’inexistence des chambres à gaz (par exemple), le problème c’est qu’il y a des débats qui sont interdits, que la loi s’est substituée aux historiens pour dire l’histoire et que si pour l’instant cela ne touche que quelques sujets sensibles, on voit bien à la dérive actuelle [que d’autres questions seront tôt ou tard concernées], comme le réchauffement climatique, la politique monétaire européenne, l’avortement, le Frexit, la guerre en Ukraine et la livraison d’armes, la retraite à 64 ans, l’imbécillité des énergies renouvelables, la fermeture des centrales nucléaires, les sanctions contre la Russie, qui n’impactent que nous, [autant de] sujets sur lesquels on interdit au peuple d’exprimer un avis et qui pourtant le concerne non plus haut point ».
Cher Correspondant,
Si je comprends bien, vous m’invitez à changer de stratégie en dénonçant l’impossibilité (présente ou à venir) de débattre de sujets de société qui concernent directement les Français.
Dans un premier temps, je répondrai qu’il existe une différence considérable entre un débat réprimé par la loi et un débat qui, dans les faits, ne peut avoir lieu, les décideurs ayant déjà pris parti et opéré en conséquence.
Face à la stratégie que vous proposez, les autorités répondent avec assurance:
« La loi punit l’expression publique des thèses révisionnistes, car il s’agit de contre-vérités forgées pour réhabiliter le nazisme et susciter l’antisémitisme. Dans cette affaire, le juge ne se substitue pas aux historiens pour dire l’Histoire. L’histoire est écrite par les historiens; le juge applique une loi destinée à combattre les appels à la haine. En revanche, tant que, dans le domaine des idées, vous n’appelez ni à la haine ni à la violence, vous restez libre de contester le réchauffement climatique, de condamner l’avortement, d’encourager le ferait, de protester contre les livraisons d’armes à l’Ukraine, de réclamer la fin des sanctions contre la Russie, de vous opposer à la retraite à 64 ans, d’alléguer l’imbécilité des énergies renouvelables et de critiquer la fermeture des centrales nucléaires. Dans tous ces domaines, le gouvernement a opté pour des politiques sur lesquelles il refuse de revenir. Toutefois, si vous êtes en désaccord, il vous est possible de voter pour d’autres candidats ou même de créer un parti qui défendra vos choix. C’est cela, la démocratie. »
Ce discours, nous l’avons entendu lors de la crise sanitaire:
« Vous avez le droit de vous opposer au passeport sanitaire, vous pouvez librement manifester. Cependant, le gouvernement ne vous écoutera pas, car il a déjà pris conseil auprès de spécialistes et défini sa politique sanitaire. »
L’absence de débat n’a pas contribué à réveiller le peuple français. Dans son immense majorité, ce dernier a respecté les consignes du gouvernement. Pendant ce temps, le mouvement des protestations s’est essoufflé, jusqu’à disparaître.
Il n’y a là rien d’étonnant. Considérez la peine de mort et l’immigration: aucun débat n’a été organisé sur ces deux questions pourtant essentielles, alors que les succès du Front national démontrèrent qu’un sein du peuple, la grogne montait.
Dans ma famille pourtant très politiquement correcte, j’entendais dire: « il faudrait rétablir la peine de mort, » ou « l’immigration doit cesser, la crise sévit et on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »
Malgré cela, dans leur grande majorité, les Français ont persisté dans leur vote en faveur des candidats du Système. J’y vois la preuve qu’ils s’accommodent non seulement des débats escamotés, mais aussi des décisions politiques en contradiction avec leurs volontés.
De manière générale, j’affirme que les Français sont insatisfaits de leur vie. Certes, ils prétendent le contraire; mais le succès des distractions permanentes, grâce à Internet et aux mobiles multifonctions notamment, vient le démentir.
Les gens se distraient sans cesse pour échapper à l’angoisse d’un quotidien monotone et morne, reflet de leur vide intérieur. Si Internet, le mobile multifonctions et les sorties se révèlent insuffisants, alors les antidépresseurs ou les drogues viennent à la rescousse.
Mais alors pourquoi, dans sa majorité, notre peuple choisit-il de conserver le régime actuel? Parce qu’ayant adopté une vision matérialiste de l’Homme, qui ôte tout sens à la vie, il tient à jouir de son existence qui se terminera dans une plongée dans le néant éternel. Par conséquent, il s’accroche aux libertés individuelles qui lui permettent de jouir et de choisir ses distractions: film du soir, sortie du dimanche, lieu de vacances, communauté d’amis, amours…
Le philosophe Denis Marquet souligne:
« Être normal aujourd’hui, c’est pouvoir établir que ma vie, « c’est mon choix » […] Ainsi, plus nous nous enfonçons dans les profondeurs de la postmodernité, plus grandit la revendication d’être à l’origine de tout; on ne supporte plus de ne pas avoir le choix1. »
Et d’ajouter:
« La modernité ne veut pas le règne de Dieu, mais le règne du moi. »
L’ennui est que, vivant pour réaliser un idéal supérieur (retrouver Dieu), l’Homme ne peut se contenter des distractions purement terrestres. D’où son malaise existentiel. Un de mes amis, philosophe lui aussi, résume ainsi la situation:
Notre monde, symbolisé par le couple du baladeur et du portable dans une atmosphère de rap et de merguez, est un monde vomitif que personne n’aime vraiment, mais la majorité de nos contemporains ne veut pas en changer, à la manière dont l’ivrogne hait sa bouteille qui m’avilit, mais il y tient passionnément parce qu’elle a capté ses désirs en les détournant de leur fin naturellement spirituelle, les a fixés en elle d’une manière invincible.
[…] la société moderne, inspirée de Rousseau, est fondée sur l’idée du contrat social: on entre en société pour y trouver les avantages de la civilisation, mais on entend ne dépendre de personne et conserver l’absolue liberté du solitaire en son état de nature présidial; la société est au service de chacun qui, pour ne dépendre de personne, accepte de dépendre de tous, mais de manière anonyme et impersonnelle, ce qui fait de la démocratie la tyrannie de tous sur tous; derechef, tout le monde la hait comme l’ivrogne hait sa bouteille, mais tout le monde y tient, parce qu’elle est condition du culte subjectiviste du mois privé. »
Jean-Jacques Stormay
Le citoyen moderne vit donc une tension permanente entre son insatisfaction sociale et sa volonté de garder un régime garant de ses petites jouissances hédonistes et égoïstes.
C’est ici qu’intervient, en renfort, la propagande autour de la Shoah. Selon vous, cher Correspondant, bien que « biberonné à la Shoah », l’Européen moyen n’aurait pas conscience des implications du mythe des chambres à gaz dans sa vie de tous les jours et se désintéresserait totalement de la question (« il s’en [moque] complètement », écrivez-vous).
S’il en était ainsi, alors les gens considéreraient avec indifférence le révisionnisme lorsqu’ils y seraient confrontés: « Ah? Certains contestent l’Histoire qu’on nous enseigne? Pourquoi pas ? Ce sont des querelles d’universitaires qui ne nous concernent pas, » se contenteraient-ils de dire.
Or, ma longue expérience de militant me démontre le contraire. Dans l’immense majorité des cas, les quidams confrontés au révisionnisme s’indignent, voire réagissent avec violence. Je pourrais noircir des pages en contant des anecdotes. Je me contenterai d’en relater trois.
La première fois que j’ai dit à mes parents: « Les chambres à gaz hitlériennes n’ont pas existé », ma mère s’est exclamée: « ce n’est pas possible d’entendre ça! » Quant à mon père, il a quitté la pièce, refusant d’en écouter davantage. C’était comme si je leur avais lancé: « Vous n’êtes pas mes parents ». Ils semblaient frappés au plus profond d’eux-mêmes.
Deux ans plus tard (je devais avoir 21 ans), dans un restaurant, j’expliquais au parrain de ma sœur pourquoi j’adhérais aux thèses révisionnistes. À une table voisine, un quinquagénaire écoutait la conversation. Soudain, il m’a interpellé en ces termes: « Si vous ne vous taisez pas, je me lève et je vous [mets] mon poing dans la [figure]. » Il ajouta: « Et je ne suis pas Juif. »
En 1992, on m’interdit d’assister à l’enterrement de ma grand-mère paternelle, au motif que, à cause de mes positions révisionnistes, j’étais devenu « une tache sur le nom de la famille ».
Il me paraît donc faux d’affirmer que les gens se moqueraient éperdument de l’existence ou de la non-existence des chambres à gaz. D’ailleurs, si vous parvenez à amorcer une conversation à ce sujet, vous vous apercevrez bien vite que votre interlocuteur ne considère pas vos arguments avec l’esprit ouvert, mais cherche uniquement à vous contredire.
S’il ne trouve aucune objection sur une facette de la question, il la minimise et attaque sous un autre angle. Cela donne, par exemple: « Certes, il est impossible de localiser les trous dans le toit de la « chambre à gaz » encore visible à Auschwitz-Birkenau; mais alors pourquoi les trains de déportés arrivaient-ils pleins et repartaient-ils toujours vides? Que devenaient les inaptes au travail? »
Si à un moment, vous ne pouvez répondre à une objection, il se déclarera aussitôt vainqueur. Si, au contraire, vous apportez toujours une réponse, il finira par lancer: « Je ne suis pas historien, donc je n’en connais pas assez pour te contredire, mais un historien pourrait te réfuter. » Les nombreuses discussions que j’ai tout de même pu amorcer en trente ans m’ont démontré que les gens veulent croire aux chambres à gaz.
Pourquoi veulent-ils y croire? Parce que, sous nos latitudes, la Shoah n’est exploitée non pour justifier l’existence de l’État d’Israël ou pour conférer aux Juifs le statut de peuple intouchable (quoique ces éléments interviennent dans une certaine mesure, mais il s’agit là d’effets secondaires); en Occident, la Shoah sert d’abord à susciter le rejet de l’extrême droite.
Le message est le suivant: « Au motif de rétablir l’ordre et de relever le pays, l’extrême droite établit une dictature impitoyable: elle supprime les libertés publiques, endoctrines les masses, jette les opposants dans des camps et persécute les populations jugées indésirables. Cela mène aux camps de la mort. Contre cela, la démocratie dresse un rempart qui protège vos libertés et vos vies. » D’où la conclusion qui se résume à un slogan: « Pour éviter une nouvelle Shoah, il faut choisir la démocratie contre l’extrême droite. »
Or, comme nous l’avons vu, dans leur grande majorité, les Français veulent la démocratie, car malgré tous ses travers vomitifs, elle leur permet encore de jouir égoïstement de leurs libertés individuelles. Dans ce contexte, la Shoah est l’ultime argument, le joker sorti de la manche quand plus aucune raison ne peut être invoquée.
« La pauvreté s’étend? La précarité frappe un nombre croissant de citoyens? La criminalité s’aggrave? L’immigration demeure incontrôlée? Peut-être, mais c’est mieux qu’un pouvoir fascisant qui supprimerait nos libertés et menacerait nos vies. »
Certes, beaucoup de personnes ne l’expriment pas aussi clairement, mais leur rejet catégorique du révisionnisme atteste qu’instinctivement, ils ont bien compris les enjeux. Ils pressentent que si la Shoah est un mythe, alors la morale inculquée en Occident depuis 1945 vacille.
Si les nazis n’étaient pas les « méchants », alors toutes les leçons de l’Histoire sont remises en cause. Si Hitler n’incarnait pas le mal absolu, alors face aux échecs de la démocratie libérale, ne pourrait-on pas envisager une expérience de socialisme national?
« Non! répondra le quidam. Je tiens à mes libertés individuelles. Je ne veux pas entendre parler de socialisme national, avec sa primauté du Bien commun sur les biens particuliers. Se sacrifier pour la communauté nationale? Très peu pour moi! Je n’ai qu’une vie et je veux en jouir comme bon me semble. Dès lors, je veux croire à la Shoah pour justifier mon rejet d’une doctrine qui a prouvé sa capacité à relever un pays. »
D’où cette réponse révélatrice qui m’a été faite voilà douze ans: « Je préfère mon ignorance à la négation. » Autrement dit: je ne veux pas connaître les arguments révisionnistes, car je veux pouvoir continuer à croire aux chambres à gaz.
Face à ces personnes, le professeur Faurisson posait la question suivante: « Pour vous, l’inexistence des chambres à gaz serait-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle? »
Ceux à qui j’ai posé cette question ont toujours apporté une réponse emberlificotée, preuve d’une gêne évidente. En effet, nos concitoyens n’aimeraient pas dire que ce serait une mauvaise nouvelle, mais ils ne peuvent pas dire non plus que c’en serait une bonne, car dans ce cas, pourquoi une loi vient-elle sanctionner ceux qui la clament publiquement? Les gens finissent donc par objecter que la question est sans objet, puisque les chambres à gaz ont existé. Je leur réponds: « Et quelle preuve en avez-vous? » « Demandez aux historiens, » me répondent-ils.
Ainsi, cher Correspondant, contrairement à ce que vous pensez, la question de l’existence ou de la non-existence des chambres à gaz n’est pas accessoire. Elle est au contraire essentielle, car c’est elle qui conditionne l’acceptation de la démocratie libérale, malgré ses travers vomitifs, parmi lesquels ces débats de sociétés escamotés. La stratégie que vous m’invitez à adopter sera non seulement inefficace, mais de plus, elle nous éloignera de la question capitale. D’où ma volonté de conserver le cap choisi voilà trente ans.
Certes, tant que la démocratie libérale permettra aux peuples de satisfaire leurs appétits hédonistes, le révisionnisme n’aura aucune chance de triompher. Toutefois, je ne combats pas pour mes contemporains; je lutte pour l’avenir, un avenir proche ou lointain, peu m’importe. Je n’espère aucune récompense ici-bas. J’ai accompli mon devoir, ma récompense viendra ailleurs.