Captain Harlock
Démocratie Participative
18 mars 2021
Vous devez lire cet article jusqu’au bout. Je vous assure que vous ne serez pas déçu.
« À tous. » Ce jeudi 4 mars au matin, Chantal Guinchard [la belle-sœur de la principale protagoniste, Paulette Guinchard] ne repère pas tout de suite cet intitulé dans son flot d’e-mails. Dehors, le clocher de l’église résonne huit fois. Le soleil émerge sur les deux tremplins de saut à ski qui surplombent le village. Chaux-Neuve (Doubs) grelotte. Ses 300 habitants aussi. Ici, il gèle 167 jours par an. On dit qu’il s’agit du coin le plus froid de France.
L’écran de l’ordinateur projette les messages un à un. La sexagénaire se fige. « Au moment où vous lirez ce message, je serai morte. » Le texte parle de suicide assisté. De Suisse. Quelques lignes pour dire adieu. Et une signature, « Zaza ». Dans le temps, la fillette zozotait. Le surnom est resté. À 71 ans, elle l’utilise une dernière fois. Paulette Guinchard annonce à sa belle-sœur et ses sept frères et sœurs son propre décès.
La nouvelle franchit vite les hauts plateaux du Jura. Les journaux rappellent l’ascension de cette enfant du pays, fille de paysans, figure de la mairie de Besançon appelée en 2001 au gouvernement de Lionel Jospin. « La seule ministre qui sait traire une vache », riait-elle, les « r » roulant à la manière franc-comtoise.
Les pontes du Parti socialiste (PS) s’émeuvent. L’ancien Premier ministre, 82 ans, sort de sa réserve. Il rend hommage à celle qu’il avait repérée après son rapport « Vieillir en France », en 1999. « Paulette avait quelque chose de lumineux, une lumière douce et forte, et mon amitié pour elle était teintée d’estime », dépeint-il au « Parisien-Aujourd’hui en France ».
Paulette Guinchard l’avait appelé en janvier. Au bout du fil, ses mots balbutiaient. Une maladie dégénérative rongeait la retraitée depuis des années. La même lésion du cervelet avait paralysé son père et sa grand-mère. En 1997, la nouvelle députée, élue dans un fief de droite, avait cherché une trace de fierté paternelle sur un visage inerte. Maurice Guinchard ne parlait plus depuis des années.
Au téléphone, l’ancienne secrétaire d’Etat aux personnes âgées avait fait part à son mentor de sa volonté d’en finir. Comment réagiraient son fils, Georges, issu d’un premier mariage, et ses deux petites-filles de 8 et 12 ans ? Fin 2002, la mère de Lionel Jospin avait, elle aussi, programmé son décès. « Elle voulait savoir si je comprenais le choix auquel elle se préparait, confie l’ancien chef du gouvernement. Je lui ai assuré que c’était bien le cas. »
Cette grande figure du PS n’est pas un militant pro-euthanasie de la première heure. Paulette Guinchard non plus. L’ex-infirmière en psychiatrie se battait pour une vieillesse heureuse. Martine Aubry vante encore sa loi sur l’ allocation personnalisée d’autonomie (APA). « Elle aurait pu être assistante sociale, tant elle se décarcassait pour aider les gens », sourit la maire de Lille (Nord).
La cruauté de son destin a fini par rattraper cette catholique de gauche. Affaiblie par deux cancers successifs, Paulette Guinchard renonce à l’Assemblée nationale en 2007. Les effets secondaires d’une chimiothérapie ravivent le spectre de la malédiction familiale. Un test ADN confirme. La condamnée n’a pas 60 ans. Au fil du temps, la moitié de sa fratrie se révèle porteuse du gène.
Lors de ses visites à Chaux-Neuve, son amie Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, voit le corps de ce « concentré d’énergie » s’éteindre à petit feu. Ses jambes ne portent plus qu’avec peine l’amatrice de randonnées. Les premières années, Paulette Guinchard plie les trois roues de son fauteuil électrique rouge dans le train pour Paris. Coûte que coûte, elle préside bénévolement la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie jusqu’en 2017.
La vieille garde des Boomers du PS
Son engin voyage. Dans sa grande bâtisse du XVIIIe siècle, les vaches du peintre Marcel Mille pâturent près de tissus et de masques exotiques, souvenirs de ses croisières sur le Danube ou le Mékong. « Zaza » voudrait continuer la broderie mais ses doigts se raidissent. Alors, elle peint. Dans son petit atelier, la gouache a aujourd’hui séché. Ses pinceaux collent au bureau. Elle y passait une heure chaque matin.
Le plancher rustique grince sous les pieds de son mari, Denis. Soixante-treize années se lisent sur ce visage éprouvé par la perte d’une première épouse, d’une longue maladie, déjà, et le suicide d’un fils. Toutefois malgré l’abattement, on devine la force sous les vêtements techniques de montagnard.
Du plat de la main, l’ancien dirigeant d’usine dépoussière un recueil de haïkus, de courts poèmes d’inspiration japonaise, que Paulette avait édité chez un imprimeur. Elle les tapait sur sa tablette, avant d’enchaîner podcasts et radio. « Quand on venait la voir, elle échangeait sur tous les sujets qui secouent la société, avec un sourire jusque-là », mime Marie-Guite Dufay.
Cette élue et amie hésite à se représenter aux prochaines élections régionales ? Paulette lui recommande les mémoires de Barack Obama, qu’elle vient d’engloutir en livre audio. « Il parle tellement bien de la vie après la politique… », glisse-t-elle. Sa fatigue finit par transparaître. Alain Fousseret, cofondateur des Verts et bon copain, se rappelle qu’à Chaux-Neuve, Paulette n’apparaissait plus que « par épisodes ». « Elle devait faire des siestes, souffle-t-il. Le soir, on ne traînait pas trop. »
Articuler, surtout, devient de plus en plus pénible. Le président du conseil national du PS, Luc Broussy, remarque à chaque appel que son mari « répond de plus en plus pour elle ». Les séances de kiné lui ont bien appris à ralentir son débit. Las, dans les grandes tablées qu’elle affectionne tant, Paulette Guinchard peine à prendre la parole. Elle aimait débattre, argumenter et faire taire d’autorité l’Hémicycle. Bientôt, elle sera réduite au silence. Ses amis sont unanimes : « Cette perspective l’a anéantie. »
Pour Denis, la perte de ses facultés orales a joué « à 80 % » dans le cheminement de son épouse. Par la fenêtre, l’homme grisonnant jette un œil sur la plaine ouverte aux vents, ravagée cette année par les campagnols. Elle voulait qu’il parle, il accepte, difficilement… Juste un murmure. « Comment voulez-vous réagir ? Vous comprenez. Si vous aimez cette personne, vous la comprenez. »
Les amis les plus proches sont informés en douceur. Marie-Guite Dufay s’en souvient encore. « Il y a deux ans, à table, sa petite voix a soufflé « Je n’en peux plus… Il faut que je trouve un moyen de disparaître. » On était sidérés mais on a fait comme si on n’avait rien entendu… ». Un an plus tard, Paulette persiste, en tête-à-tête. Sa décision est prise. « Tu sais, je vais prendre contact avec un organisme en Suisse. Ce n’est pas une vie. Après tout ce que j’ai fait, regardez ce que je suis devenue. »
Entre-temps, l’ancienne parlementaire a compris que la France ne l’aiderait pas à mourir. Les soins palliatifs de l’hôpital de Besançon, où elle a commencé sa carrière, l’ont éconduite. La loi Leonetti limite le protocole de fin de vie aux patients en phase terminale. La septuagénaire branche sa tablette le lendemain et songe au pays voisin, par-delà les sapins sur la colline. La Suisse propose le suicide assisté et non l’euthanasie, pratiquée en Belgique. Denis insiste : « Il fallait qu’elle maîtrise son geste, qu’elle actionne elle-même le processus, et non que quelqu’un le fasse pour elle. »
Le couple choisit Ex International, une association basée à Berne. Le dossier médical, posté début novembre, est jugé prioritaire. Paulette se dit « soulagée ». Mais les Suisses distillent les informations, taisent les délais, s’entourent de précautions. L’ancienne députée piaffe. Elle espérait une réponse avant les fêtes. Fin janvier, le téléphone sonne. Le rendez-vous est acté.Ce jour-là, c’est tout juste si elle n’a pas chanté.
Plusieurs dates sont proposées. Le 4 mars, le 5 ou la semaine suivante. Va pour le 4. À ses côtés, son mari encaisse. « En même temps, c’est rassurant. Vous savez qu’elle n’hésite pas. » Une poignée d’intimes sont dans la confidence. D’autres devinent. Hélène Mignon, avec qui elle a partagé la vice-présidence de l’Assemblée nationale, pressent « deux semaines avant sa mort » qu’il s’agit de leur ultime conversation. D’autres comprennent qu’ils ne lui diront jamais au revoir. « Les derniers jours, elle ne répondait plus au téléphone. Et quand le téléphone ne répond plus… », soupire Marylise Lebranchu, ex-ministre de François Hollande et camarade de longue date.
Vient le jour de franchir la frontière. Le couple ignore le lieu précis du rendez-vous, ils n’ont pour seule adresse qu’une boîte postale. « Berne, c’est tout petit », élude l’association. Georges, le fils de Paulette, les a rejoints depuis Grenoble (Isère). À 44 ans, il a poliment préféré garder ces derniers moments pour lui. Sa mère n’a pas souhaité revoir un lieu, une dernière fois. Sur la route, tous trois tentent d’échapper à l’émotion des grandes déclarations.
Le lendemain, le couple se lève tôt. Nuit difficile. Denis se remémore chaque geste, dans cette chambre impersonnelle et chic de la chaîne Novotel. La toilette. Les habits. Le petit-déjeuner. Ces apparences de vie normale. La serveuse qui les photographie ignore la portée de ce cliché. Avant de partir, Paulette écrit son e-mail d’adieu.
La suite se déroule dans un banal local d’association. Un infirmier, un médecin et un bénévole leur ouvrent la porte de cet appartement modeste. Chambre, petit salon, bureau. « Quand vous le voudrez, nous vous installerons sur le lit », offre l’un d’eux à Paulette. Sa réponse fuse : « Tout de suite. »
La perfusion est à peine installée à son bras qu’elle déclenche l’administration. À ses côtés, Georges et son mari lui tiennent la main. Un soluté passe d’abord dans le tuyau. De l’eau, pour vérifier que tout fonctionne. Le personnel attend pour introduire le produit, un somnifère létal à haute dose. Paulette est prête. « Vous pouvez y aller. » La voix de Denis s’obscurcit. « Elle s’est endormie de plus en plus profondément. Et puis, on l’a regardé mourir. »
« Toute sa vie, Paulette a essayé de transformer la société. Si sa mort peut y contribuer, c’est bien », avance Marie-Guite Dufay. Son amie, dit-elle, lui a demandé de témoigner « pour dire que la France n’est pas à la hauteur ». Quelques ténors socialistes veulent s’en saisir pour faire changer les choses. La défunte, elle, souhaitait que ses cendres soient dispersées dans un fleuve d’Afrique. Ecrire son destin, jusqu’au bout.
AH !
OH !
Quelle magnifique parabole.
La Boomeuse soixante-huitarde, après une vie passée à détruire la société française, se tire en douce pour finir en bouffe à poissons quelque part au Congo.
Pleinement assimilée par la chaîne alimentaire locale, elle finira chiée par des nègres du crû.
Quelle course à l’abîme.
Cette génération d’enculés, recouverte d’or et de médailles.
Mais les dieux sont de notre côté.
Ils n’ont jamais perdu de vue cette vieille traînée et ont patiemment attendu l’heure du châtiment, long et douloureux, avant de la jeter dans l’abîme de l’oubli tandis que sa carcasse finit en limon dans les méandres d’un cours d’eau subsaharien pollué de pisse et d’excréments de cafres.
Tel est le Fatum.
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