Leutnant
Démocratie Participative
04 février 2020
La diversité dans le voisinage des bourgeois du 16ème arrondissement est un atout pour la République.
Essia B. sera-t-elle jugée? Le sujet est au cœur de l’enquête sur ce dramatique incendie qui a fait 10 morts et 96 blessés dans la nuit du 4 au 5 février 2019, rue Erlanger à Paris (XVIe arrondissement). Car, même si elle nie les faits, l’implication de cette femme de 41 ans ne semble guère faire de doute. Plusieurs témoins ont déclaré l’avoir vue incendier le palier de porte d’où est parti le sinistre, après un différend avec ses voisins. En revanche, la question de la responsabilité pénale de cette suspecte au lourd passé psychiatrique se pose. Or, selon nos informations, le premier rapport d’experts estime qu’« elle est accessible à une sanction pénale ».
« Essia B. était atteinte au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement et entravé le contrôle de ses actes », écrivent les Drs Frantz Prosper et Daniel Zagury dans leur rapport remis en décembre. Une contre-expertise a d’ores et déjà été ordonnée.
On savait déjà que la jeune femme, incarcérée depuis sa mise en examen le 8 février 2019, avait été admise en hôpital psychiatrique à treize reprises entre 2009 et 2019. Or, après consultation de son dossier, les experts parlent désormais d’une trentaine d’hospitalisations. « La lecture du dossier médical d’Essia B. donne le tournis », précisent-ils. Élevée dans un environnement social privilégié, cette Parisienne connaît ses premiers problèmes lorsqu’elle n’est âgée que d’une dizaine d’années. En surpoids, elle est emmenée, à 12 ans, par sa mère chez un psychologue. Vers 15 ans, elle commence à s’alcooliser : une dépendance dont elle ne s’est jamais débarrassée malgré d’innombrables tentatives de sevrage. Lors de son interpellation la nuit du drame, elle présentait un taux de 0,52 mg d’alcool par litre d’air expiré. Cette grosse consommatrice de stupéfiants et de psychotropes était également positive au cannabis, à la cocaïne et aux benzodiazépines.
Les médias nous disent pourtant que si les maghrébins sont violents c’est en raison de la « misère sociale ».
Compte tenu de ses dépendances et de son instabilité émotionnelle, Essia B. a connu un parcours de vie chaotique. Après avoir arrêté sa scolarité en première, elle quitte le domicile familial avant sa majorité. « Elle avait un mal-être épouvantable […]. Elle dit ne pas supporter la réalité qui est trop cruelle », relèvent les experts. À son père qui peine à comprendre la maladie dont elle souffre, elle explique avoir « un cancer de l’âme ». Elle reprend finalement ses études, obtient son bac, intègre ensuite l’école hôtelière de Lausanne (Suisse) et trouve du travail en France. Son état ne lui permet pas de le conserver.
Son existence se résume alors à une succession de brèves hospitalisations et de rechutes. Jeune majeure, elle fait un délire mystique – elle se prend pour la Vierge Marie – après avoir consommé de l’ecstasy. Les nombreux psychiatres qui l’examinent diagnostiquent des troubles de la personnalité et du comportement. Elle fait également part d’idées suicidaires et se scarifie. Ses proches, présents à ses côtés, se sentent impuissants.
Mariam.
Le 18 janvier 2019, cette amatrice de yoga est à nouveau admise à Saint-Anne. « Elle avait été hospitalisée parce qu’elle tenait des propos délirants sur les Indiens, sur la mère nature, sur les alchimistes, sur l’Opus Dei, sur la Vierge, sur le Christ », détaillent les experts. Douze jours plus tard, à l’issue d’un séjour émaillé d’une fugue, elle ressort avec un projet d’hôpital de jour. Une sortie médicale prise contre l’avis du juge des libertés et de la détention (JLD) qui s’était prononcé le 25 janvier pour la poursuite de la mesure, en évoquant notamment ses « propos délirants, mystiques et mégalomaniaques, de mécanique hallucinatoire ».
« Je n’étais pas en état de sortir. J’étais triste et désespérée », dira-t-elle aux enquêteurs. Mais pour les experts, pas question de mettre en cause la décision de leur collègue. « Le dossier psychiatrique montre clairement qu’elle a sollicité la sortie », insistent-ils.
En conclusion, les Drs Propser et Zagury ont diagnostiqué chez elle « un trouble de la personnalité de hyper borderline, caractérisé par une importante impulsivité, une instabilité, […] une intolérance à la frustration, […] et surtout une addiction ancienne à l’alcool et aux toxiques. » Mais ils ont aussi estimé que l’ensemble de ses déclarations « exclut un geste délirant ». « Dans un contexte d’ivresse, amplificatrice du vécu émotionnel et inhibitrice des censures, de colère, d’exaspération, de besoin de vengeance, une femme provoque un départ de feu », poursuivent-ils pour justifier leur choix de ne pas conclure à une abolition du discernement synonyme d’irresponsabilité.
Sollicité, Me Sébastien Schapira, l’avocat d’Essia B., conteste les conclusions de ce rapport. « Compte tenu des importantes carences de l’expertise dans un dossier où la question de la responsabilité pénale est centrale, une demande de contre-expertise a naturellement été déposée », indique-t-il. La question du potentiel délire de l’incendiaire présumé au moment des faits devrait à nouveau être débattue.
Me Schapira a raison : il faut libérer Essia et la soigner.