Fièvre hitlérienne du samedi soir à Angers

Europe Écologie Les Bruns
03 août 2020

 

Petite anecdote sans prétention qui a marqué ma découverte d’Angers samedi soir dernier, donc le 1er août vers 19h sur la place « Fleur d’eau ». Je la narre ici dans l’humble espoir que son principal protagoniste se reconnaisse et, qui sait, poursuive son basculement vers le côté obscur.

Samedi soir donc, je visitais le centre historique d’Angers en compagnie de la charmante propriétaire du AirBnB que j’ai loué pour l’occasion. Après avoir rendu hommage aux bâtisseurs blancs dans la cathédrale Saint-Maurice, elle me propose subtilement de transformer cette visite guidée en rencart, par un détour vers la rue Saint-Laud qui offre 1000 façons différentes de prendre l’apéro.

Pour l’atteindre nous traversons la petite place Fleur d’eau, avec ses petits bars en terrasses, son burger, ses magasins et… Son kebab. À peine y sommes-nous arrivés que l’attention de tous les badauds se porte sur les hurlements d’un jeune homme un peu plus loin.

C’était un blanc de 20-25 ans, la silhouette fine, les cheveux châtains soigneusement coiffés en arrière, la petite barbe de trois jours impeccablement entretenue, bermuda et chemise repassée. Bref, le style catho tradi bcbg métrosexuel de l’année passée. Mais il y avait quelque chose dans ses yeux. Cette rage, longtemps endormie, tout juste réveillée par un excès d’impuissance et d’injustice. Cette lueur que certains d’entre vous ont déjà probablement vue dans les yeux d’un homme qui découvre à peine l’effroyable réalité.

Ce garçon venait d’avaler sa première pilule rouge.

C’était peut-être arrivé à l’instant, peut-être cela datait de plusieurs jours ou plusieurs semaines, mais comme nombre d’entre vous l’ont sans doute vécu quand ils ont basculé, l’immense colère que l’on ressent quand ça nous arrive saute sur la moindre occasion pour décompresser. Et c’est ce qui est arrivé ce soir-là. De mémoire, ses mots furent les suivants :

« Y en a marre de ces racailles de merde ! » hurlait-il à deux gros demi-chameaux à la peau grisâtre, sans doute frères et cousins à la fois, qui quittaient tranquillement la place de l’autre côté. « Kess tu veux cousin ? » lui adressèrent-ils.

« Vous avez tabassé ce pauvre homme sans raison ! » leur cria-t-il à propos d’un boomer salement amoché qui gisait sur le parvis devant un magasin de vêtements. « Vous êtes des pourritures ! »

Je m’apprêtais à devoir intervenir pour sauver ce chétif frère de race de ces orcs de 120kgs qui n’en auraient fait qu’une bouchée, non sans chercher du regard d’autres candidats potentiels à la bastonnade, d’un côté comme de l’autre. Les quarterons de chèvre étaient en très large infériorité numérique mais, à vue d’œil, niveau détermination et courage c’était kif-kif.

« Vous foutez la merde partout et vous vous barrez tranquillement vous vous croyez où ? », vociféra-t-il dans un ton de plus en plus aigu. Ses cordes vocales n’avaient manifestement pas été aussi violemment sollicitées depuis une éternité.

« Au lieu de nous afficher, viens nous voir fréro » – ces deux gaillards avaient de toute évidence eu la même conclusion que moi quant au rapport de forces en présence.

J’assistai durant les quelques secondes qui suivirent à la peine du blanc à laisser jaillir sa rage de la seule manière que son carcan mental, bien malmené toutefois, lui autorisait : un laïus confus de vociférations à propos de « respect », d' »impunité » et de « remettre de l’ordre » face à deux culs-de-sac génétiques qui s’en moquaient éperdument en s’éloignant. Jusqu’au moment où, excédé par l’impuissance et la dérision de ses attaques verbales, il vociféra de toutes ses forces :

« On va tous vous foutre dehors vous allez voir ! HEIL HITLER ! »

« Oh bah il fallait que ça sorte », dit ma guide dans un rire gêné. De mon côté j’observais ce garçon quitter la place à grandes enjambées, le visage rougi par la gêne et, probablement, l’effarement d’avoir lâché un truc pareil devant autant de gens. Son regard alors perdu trahissait sa propre surprise et la longue phase de remise en question qui l’attendait.

À toi, qui ce soir-là a dit non alors que tant d’autres courbaient l’échine : ta colère est légitime, mais tu te trompes de combat. Sache que pour ce boomer dont tu t’es improvisé l’avocat, la seule solution à cette agression est, et sera toujours, plus d’immigration et de vivre ensemble.

Alors cesse de souhaiter l’avènement d’un sauveur qui remettrait les pendules à l’heure. Le triomphe n’adviendra que par une succession de luttes à ta portée, et la première te concerne.

Deviens le changement que tu souhaiterais voir autour de toi.

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