Leutnant
Démocratie Participative
26 février 2020
Les feux de l’amour.
Un scénario digne d’un roman noir, où sexe, drogue et argent s’entremêlent. La vérité commence à émerger, à la suite de la découverte lundi 17 février du cadavre de Jorge Brion, dentiste de 53 ans exerçant à Dourdan (Essonne), dans sa maison bourgeoise du XIXe à Coulombs (Eure-et-Loir). Son corps était enroulé dans un entrelacs de bâche, d’alèses, de draps et de couettes, d’un câble électrique et d’une corde.
Ce lundi, lors d’une conférence de presse, le procureur de la République de Chartres, Rémi Coutin, a confirmé qu’un suspect, Anatole Buyck, avait été mis en examen et déféré par le parquet de Chartres pour assassinat et vol dans une habitation. Placé en détention provisoire, il a été écroué à la maison d’arrêt d’Orléans. Anatole Buyck, 30 ans, était l’amant de Jorge Brion, qu’il côtoyait vraisemblablement depuis plusieurs semaines après l’avoir rencontré sur un site de rencontres homosexuelles.
Lors de ses sept « auditions fleuves », détaille le procureur de Chartres, le suspect s’est contredit à plusieurs reprises. Selon sa version, ce dimanche 16 février, les deux amants se livraient à un jeu sexuel « de type dominant-dominé ». « Il a expliqué, de façon confuse, qu’ils étaient tous les deux sous l’emprise des stupéfiants, poursuit le procureur. En voulant couper la corde à laquelle Jorge Brion était attaché, il dit l’avoir blessé accidentellement et mortellement avec un couteau au poignet gauche. »
Une version « difficilement compatible » avec la taille de la plaie, estime le parquet de Chartres, qui envisage une préméditation de l’acte. Selon nos informations, le suspect aurait acheté la bâche et les cordes dans une grande surface très peu de temps avant le meurtre. Présenté face à un juge d’instruction, Anatole a cette fois-ci gardé le silence. « Il dit être dans le déni, le refoulement », précise le procureur.
Né à Buenos Aires, le dentiste vivait à Coulombs depuis une dizaine d’années, au moins le week-end, mais disposait d’un cabinet à Dourdan (Essonne) où il exerçait depuis deux ans. Cet Italo-Argentin au casier vierge avait vécu plusieurs années à Barcelone, avant de s’installer dans l’Essonne puis en Eure-et-Loir.
Pour retrouver son meurtrier, les gendarmes de la section de recherche d’Orléans ont déployé des moyens impressionnants. Fouille minutieuse du jardin, plongeurs dans les étangs voisins, survol d’un drone au-dessus de la propriété, auditions d’une quarantaine de personnes. Les enquêteurs n’ont pas tardé à s’intéresser au profil d’Anatole. Dès le mardi 18, ils constatent que son téléphone borne sur les lieux du crime le week-end du 16. En consultant la vidéosurveillance d’une épicerie de Nogent-le-Roi, ils aperçoivent Jorge et Anatole faire des achats.
Probablement soucieux, le suspect se présente de lui-même auprès des gendarmes dans la semaine pour les informer de sa présence ce week-end-là chez Jorge, expliquant avoir eu vent de son décès « par un ami ». Les gendarmes souhaitent l’entendre, mais il semble hésiter. Décidément, son profil intrigue. D’autant plus qu’Anatole a été condamné au moins six fois entre 2009 et 2018 pour vol, escroquerie et usage de chèques contrefaits. Ses victimes ? La plupart du temps, des homosexuels avec qui il entretenait une liaison.
Les enquêteurs l’interpellent vendredi dans le restaurant des Ulis (Essonne) où il travaille. Lors d’une perquisition, des objets de la victime —notamment son portefeuille— sont retrouvés chez lui et dans ses poubelles.
Mais les enquêteurs font une découverte bien plus incongrue. Dès l’après-midi du crime, le suspect a vendu… une oie appartenant à Jorge sur le site Internet Le Bon Coin. « Cette oie le terrifiait à chaque venue chez la victime », indique le procureur. Outre l’animal, la Volvo de Jorge a été cédée ou vendue le jour même des faits. Elle n’a pour l’heure pas été retrouvée.
Une chose est sûre, dimanche 16 février, à midi, Jorge était encore vivant. L’employée du cabinet dentaire de Dourdan, qui avait alerté la gendarmerie, affirme l’avoir joint au téléphone à cette heure-là. Ils s’étaient alors donné rendez-vous pour le déjeuner. Jorge ne s’y est jamais rendu.
Anatole était pourtant un Français assimilé.