Espagne : le cocktail baptisé « Tuer des Juifs » enthousiasme les foules !

La rédaction
Démocratie Participative
31 mars 2024

 

Je décrète officiellement la ville de León, en Espagne, capitale du mouvement.

The Times of Israël :

C’est la semaine qui précède la fête de Pâques à León, une ville ancienne du nord-ouest de l’Espagne et les locaux arpentent les rues pour boire des verres d’un mélange à base de vin – une festivité annuelle qui est parfois ponctuée d’un cri joyeux : « Matar Judíos » ou « Tuer des Juifs ».

La « Semana Santa » – ou Semaine sainte – est la période pieuse la plus importante en Espagne. A León, les célébrations sont particulièrement spectaculaires, avec dix jours de musique, de sermons et une trentaine de processions qui rassemblent environ 16 000 pénitents. C’est aussi une saison déterminante pour les touristes – en 2002, la Semaine sainte a été déclarée « Fiesta de Interés Turístico Internacional » (« Festival d’intérêt touristique international »).

L’une des caractéristiques de ces réjouissances endiablées est un cocktail léonais à base de vin rouge, de citron, de cannelle et de sucre, parfois agrémenté d’oranges et de figues. Ici, ce cocktail est connu sous le nom de « limonada », et pratiquement tous les bars du Barrio Húmedo, le quartier médiéval de la ville où la vie nocturne bat son plein, sont couverts d’affiches promouvant leur propre variante. La tradition locale veut que l’on boive 33 limonadas pendant la Semana Santa, symbolisant l’âge de Jésus lorsqu’il a été crucifié.

La limonada

C’est aussi une tradition vieille de plusieurs siècles, pour les personnes à la recherche de limonadas, de dire qu’ils vont sortir pour « tuer des Juifs ».

« C’est une expression ici », a déclaré Margarita Torres Sevilla, professeure d’histoire médiévale à l’Université de León, à la Jewish Telegraphic Agency. « Par exemple, vous allez me dire : ‘Tu viens boire quelque chose avec moi ? […]’ ‘D’accord, allons tuer des Juifs.’ Une autre phrase typique de la Semana Santa est : ‘Combien de Juifs as-tu tués ? Trois, quatre, cinq [limonadas] ? Oh, tu en as tué beaucoup’. »

Je dois absolument aller boire des limonadas à León.

88, exactement.

En attendant, qui peut aller à León boire des limonadas et envoyer des photos ? Si ce n’est cette année, alors l’année prochaine ?

À León, une ville d’environ 124 000 habitants qui n’a pas de communauté juive visible, des locaux ont déclaré à la JTA que l’expression n’était pas considérée comme vulgaire ou antisémite. Certains bars la célèbrent comme une fierté de l’héritage de la ville, utilisant la phrase comme un hashtag lorsqu’ils annoncent leurs spécialités saisonnières sur les réseaux sociaux.

« Avec l’arrivée de la Semana Santa vient aussi la saison de la limonada léonaise, une tradition devenue également populaire sous le nom de ‘tuer des Juifs’, » peut-on lire dans une publication Facebook en espagnol du Bar Genarín du 10 mars. « Nous vous proposons deux versions, la classique et la blanche. »

« C’est étrange pour les touristes, mais ils le prennent en riant », a explique Sonia Da Costa, une serveuse qui distribue des assiettes et des verres aux clients de la Cafetería Chamberí, un bar à tapas local. « Ici, c’est normal. »

Chez les gens normaux, c’est normal, oui.

Le quartier juif historique de León – qui ne compte plus de population juive depuis des centaines d’années – se compose de deux rues encastrées dans le Barrio Húmedo qui, en cette semaine sainte, est arpenté par tous les amateurs de limonadas.

Peu de traces indiquent où vivait la communauté ; ses trois synagogues médiévales ont été perdues – la dernière étant commémorée par une petite plaque récemment installée dans la rue Misericordia. La troisième synagogue juive de León a été construite ici [1370-1481]. Dans une rue secondaire de la place centrale de León, une porte en pierre porte deux marques verticales qui, selon Torres Sevilla, ont été laissées par une mezouza.

Les Juifs se sont installés dans la région à partir du Xe siècle. León a donné naissance à Moses de León, un célèbre mystique juif qui aurait rédigé le Zohar, texte fondateur de la Kabbale.

La ville est devenue un centre de la pensée religieuse juive, où les Juifs ont vécu dans une relative égalité avec les chrétiens de León, interrompue par des flambées de violence sporadiques, jusqu’en 1293, lorsque le roi Sancho IV leur a interdit de posséder des terres agricoles. Vingt ans plus tard, les Juifs ont été contraints de porter un badge jaune et, à partir de 1365, ils ont dû s’acquitter d’un impôt spécial, semblable à celui que supportent les musulmans.

Selon Torres Sevilla, l’expression « tuer des Juifs » pendant la Semaine sainte remonte à un épisode du XVe siècle. León était économiquement dévasté par la guerre et la peste noire, laissant de nombreux nobles chrétiens endettés.

L’un de ces chevaliers, Suero de Quiñones, devait de l’argent à un marchand juif. Pour éviter d’honorer sa dette, Quiñones avait exploité la ferveur religieuse de la Semaine sainte en la retournant contre les Juifs de León, en 1449. Il était aller attaquer, avec d’autres chevaliers, le quartier juif, tuant son créancier et d’autres personnes le jour du Vendredi saint.

« Quiñones a dit que pendant la Semaine sainte, notre Seigneur a été accusé par les Juifs et que les Juifs l’ont tué », a déclaré Torres Sevilla. « Alors que faisons-nous des Juifs ? Nous les tuons. Mais la vraie raison n’était pas un motif chrétien – la vraie raison était qu’il avait une dette importante envers un marchand important de la communauté juive. »

Pour célébrer leur prétendue vengeance pour la mort de Jésus, Quiñones et ses alliés sont allés boire du vin dans le Barrio Húmedo. C’est ainsi qu’a commencé le rituel consistant à descendre des limonadas au son du refrain « tuer des Juifs », a expliqué Torres Sevilla.

Imaginez un peu ça.

De par leur cruauté et leur soif du profit, les juifs se sont rendus si odieux dans la région que 7 siècles plus tard le bon peuple boit encore à leur mort.

Ça donne le vertige.

D’autres récits affirment que l’expression est née du pouvoir d’apprivoisement de la limonada, autorisé par les dirigeants médiévaux en pleine semaine sainte d’abstinence et de jeûne pour empêcher les chrétiens de commettre des pogroms contre les Juifs – en les gardant occupés dans les tavernes.

Cette version est encore plus extraordinaire.

Le pouvoir politique était si corrompu par l’or juif, qu’il fallait saouler tout le monde pour que la plèbe oublie de lyncher ceux qui les pressaient comme des citrons.

C’est probablement vrai.

La tradition léonaise du « Matar judíos » ne semble pas avoir de lien avec la ville espagnole située à environ 150 kilomètres à l’est, qui a été appelée Castrillo Matajudíos – ou Fort Tue-les-Juifs – de 1627, pendant une période de persécution antisémite, jusqu’à il y a quelques années.

L’ambassadeur d’Israël en Espagne Daniel Kutner (5e à gauche), le maire de Castrillo Mota de Judio Lorenzo Rodriguez (7e à gauche), la conseillère espagnole de la culture et du tourisme de la Junta de Castilla y Leon Maria Josefa Garcia Cirac (8e à gauche) et des officiels tenant deux panneaux indiquant le nouveau nom du village espagnol « Castrillo Matajudíos » à Castrillo Mota de Judios, à proximité de Burgos, le 23 octobre 2015. (Crédit : Cesar Manso/AFP)

La communauté juive de la région n’a pas survécu longtemps à l’attaque de Quiñones. Les Juifs ont été expulsés de León en 1481, et 11 ans plus tard, en vertu du décret de l’Alhambra du roi Ferdinand II et de la reine Isabelle I, de toute l’Espagne. Certains historiens ont également établi un lien entre la limonada et l’idée de « tuer des Juifs » et une citation attribuée à Ferdinand lors de la signature du décret d’expulsion en 1492 : « Limonada que trasiego, judío que pulverizo » (« Limonada que je transvase, Juif que je pulvérise »).

Aujourd’hui, les habitants affirment qu’il s’agit d’une coutume sociale qui n’a aucun lien avec le meurtre, la religion ou les vrais Juifs.

Ferdinand II pulvérisait les juifs et buvait de la limonada

C’est entendu.

Nous devons boire de la limonada pour les mêmes raisons.

 

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