Leutnant
Démocratie Participative
16 mars 2021
Une Américaine a succombé au charme fronssais.
C’était sa première fois et c’était un viol. Un crime sordide survenu en février 2019 sur le palier d’un immeuble, en plein Paris. Pendant toute l’instruction, les enquêteurs ont essayé de comprendre ce qui s’était passé dans la tête d’Adama S. cette nuit-là.
« Inhibé », « timide », « mutique », le jeune homme, âgé aujourd’hui de 24 ans, a fini du bout des lèvres par lâcher quelques phrases. « J’essayais d’avoir une relation avec elle. Je ne savais pas comment faire, elle m’a rien dit. » Et de murmurer qu’il n’avait « jamais vu le sexe d’une femme de [sa] vie ».
Deux ans après les faits, Adama S. est jugé à partir de ce mardi, et jusqu’à vendredi, devant la cour d’assises de Paris. Il est accusé de viol sur personne vulnérable, sa victime étant en état d’ébriété très avancé au moment des faits. Il encourt vingt ans de réclusion criminelle.
Ce soir du 23 février 2019, J., une étudiante américaine de 24 ans, a encore des « étoiles plein les yeux », raconte son avocat, Jérémie Boccara. Cela fait à peine un mois qu’elle est arrivée en France. Elle a quitté Los Angeles pour suivre un cursus jusqu’à la fin de l’année à l’université américaine de Paris.
Elle ne parle pas encore français, mais elle savoure déjà la vie dans la capitale. On est samedi soir et elle a rendez-vous avec des copains dans une boîte de nuit située dans les jardins du Trocadéro. Elle prend un peu d’avance en buvant une demi-bouteille dans son appartement du passage Jean-Nicot, dans le quartier du Gros-Caillou, pas très loin de la tour Eiffel.
L’étudiante passe une partie de la nuit dans le club, trinquant au champagne et à la vodka avec ses amis. Elle boit plus que de raison jusqu’à 2 h 30 du matin. Selon un expert, elle avait alors 1,8 grammes d’alcool dans le sang. Conscients qu’il lui sera difficile de rentrer chez elle, ses copains appellent un Uber. Ils tapent son adresse et referment la portière.
Au même moment, deux copains marchent dans la rue, bien décidés à profiter jusqu’au bout de cette nuit. Cela fait deux ans qu’ils se fréquentent. Au début de la soirée, Jean-Pierre a rejoint Adama dans le foyer où il vit à Belleville.
Ici, peu de gens le connaissent. Il est arrivé du Sénégal en 2015 avec son grand frère. Il voulait, dira-t-il aux enquêteurs, remonter sur les traces de sa mère qui l’aurait abandonné dans son enfance. Le jeune homme est un peu perdu.
Professionnellement, il a travaillé dans la plomberie avant de se faire renvoyer pour le vol d’un chèque. Socialement, il ne se fait pas d’amis. Pas seulement parce qu’il maîtrise mal le français, mais surtout à cause de sa timidité maladive.
Sa conseillère à la mission le trouve « poli », mais « un peu effacé ». Sentimentalement, c’est une catastrophe. Son colocataire ne l’a jamais vu avec une fille. Pourtant, il les « dévore des yeux », a remarqué son ancien employeur.
C’est précisément ce qu’il fait ce soir-là avec son copain dans ce bar à strip-tease de Pigalle. Adama S. propose bien une relation sexuelle, même tarifée, avec une des danseuses. Mais ce n’est pas possible. Il est rongé par la frustration. Il va plutôt finir sa nuit à boire des coups chez Jean-Pierre, rue Amélie (VIIe). En chemin, ils tombent sur une jeune femme ivre.
Il s’agit de l’étudiante américaine que le chauffeur Uber a déposée à l’adresse indiquée, mais qui n’est pas la bonne. L’étudiante est de toute façon incapable de rentrer chez elle. Deux hommes l’abordent et l’accompagnent jusqu’à l’immeuble qu’elle leur désigne. « C’était pour la protéger », osera Jean-Pierre. Quand elle reprend un peu conscience, un homme est « en elle ».
C’est ce qu’Adama S. avouera dans un premier temps avant de revenir sur ses propos. Pour l’accusation, en revanche, il y a bien eu viol. Outre les propos de l’accusé et ceux de la victime, il y a ceux de Jean-Pierre. Ce dernier prendra la fuite de « peur », avant de donner l’alerte. Il ne sera pas poursuivi. C’est lui qui donne le nom de son copain aux enquêteurs.
En garde à vue, Adama S. avance des arguments lunaires. L’étudiante n’a pas dit non. « Elle était surtout incapable de s’opposer à lui », s’étrangle une source proche du dossier. Contacté, Antoine Ory, l’avocat de l’accusé, n’a pas souhaité s’exprimer.
Après avoir été entendue par les enquêteurs, J. a pris aussitôt l’avion pour rentrer aux Etats-Unis, traumatisée par ce qu’elle a vécu. « Elle est totalement cassée, soupire son avocat. Elle n’est pas en capacité d’assister au procès. Elle n’est même pas dans un esprit de vengeance mais cherche juste à comprendre.»
La bourgeoise de Californie n’a pas compris qu’elle s’est faite violer par un nègre. Elle finira par rejoindra le Black Lives Matter pour lutter contre le racisme systémique.