Leutnant
Démocratie Participative
06 mars 2021
Les juges ont été compatissants envers un maghrébin incompris.
Après des délibérations qui auront duré près de six heures, Abdellah O., surnommé le « boulanger prédateur de l’Est parisien », a été reconnu coupable ce vendredi soir d’un viol, d’une tentative de viol et d’une agression sexuelle. Il a été condamné à cinq ans de prison, dont un an avec sursis. Ce Marocain de 35 ans s’est également vu interdire d’entrer sur le territoire français pendant dix ans. Une peine conforme aux réquisitions de l’avocat général, qui avait demandé cinq ans d’emprisonnement.
Abdellah O. était jugé cette semaine devant les assises de Paris pour deux viols et deux tentatives, entre mai 2012 et juin 2013, dans un périmètre d’un kilomètre autour de la station Ménilmontant à Paris (XXe). Avec un mode opératoire similaire, l’homme s’attaquait à des femmes brunes, seules, en jupe, peu avant l’aube. Des faits que celui qui était alors boulanger a niés à l’audience, comme il l’avait fait avec constance pendant l’instruction.
Abdellah a donc été acquitté du viol d’une jeune femme, Laureline (le prénom a été changé), faute « d’éléments de preuve déterminants », selon les motivations lues à l’audience par la présidente de la cour d’assises. A l’énoncé du verdict, Laureline a quitté précipitamment la salle.
« Ma cliente est très marquée et déçue, car son statut de victime n’a pas été reconnu », a expliqué Me Serge Money, l’avocat de la jeune femme. « Néanmoins, la peine est conforme à ce qu’avait requis le ministère public pour quatre agressions. Les jurés ont donc fait savoir à ma cliente qu’ils ne l’avaient pas oubliée. En cela, elle est apaisée », a ajouté l’avocat.
Autre source de déception, pour les parties civiles : la tentative de viol sur Géraldine Jeffroy a été requalifiée en agression sexuelle. Les jurés ont en effet estimé que, lors de son passage à l’acte, Abdellah O. n’était pas allé assez loin, dans ses gestes, pour prouver la volonté de violer.
« J’ai le sentiment que pour les jurés, qui étaient principalement des hommes, il aurait fallu que je me débatte moins pour que la tentative de viol soit établie », se désole Géraldine Jeffroy, dans un message transmis au Parisien dans la soirée. « Je suis fière de ma réaction, et à la fois, devant ce verdict, je m’en veux presque de m’être battue jusqu’au bout », grince-t-elle.
Abdellah O. a bien été condamné pour le viol de Juliette, 35 ans. Un « soulagement », a-t-elle soufflé en sortant de la salle. Mais la trentenaire a été très ébranlée par l’acquittement et la requalification. « J’y vois, une fois de plus, une minimisation des violences faites aux femmes. Il m’est impossible, dès lors, de me sentir en sécurité dans la rue. »
Les parties civiles n’ont pas caché leur amertume de voir leur agresseur, qui s’est attaqué à quatre femmes, condamné à quatre ans ferme, alors que le viol est puni de quinze ans de réclusion. « Cette peine montre qu’on a, encore une fois, eu plus de compassion pour l’agresseur que pour les victimes », a dénoncé Me Cécile Pudebat, l’avocate de Géraldine Jeffroy.
L’avocate de Juliette, Me Pauline Rongier, regrette que l’avocat général n’ait requis que cinq ans d’emprisonnement, pour deux viols et deux tentatives. « Le fait qu’il s’agisse d’un viol digital a dû jouer. Comme si c’était moins grave ! Pourtant, le Code pénal ne fait de distinction. Le viol de ma cliente a pourtant été brutal : elle a été blessée par les ongles de son agresseur sur 3 centimètres. »
Abdellah O., cheveux ras bruns et petit pull gris à rayures blanches, est resté impassible à la lecture du verdict. « Il m’a fallu beaucoup de temps pour expliquer à mon client qu’il ne passerait pas quinze ans derrière les barreaux. Il s’attendait à une peine bien plus lourde », a précisé Me Romuald Sayagh, l’avocat de la défense.
Sans surprise, l’avocat a indiqué qu’il ne comptait pas faire appel de cette « décision équilibrée et humaine ». « Les jurés ont bien compris qui était mon client. Loin du cliché du prédateur, c’était un homme perdu, propulsé d’un village du fin fond de l’Atlas à Paris », a-t-il ajouté. Un avis que ne partage pas Me Pauline Rongier : « L’audience n’a pas permis de comprendre qui est réellement Abdellah O. On ne connaît toujours pas les raisons de son passage à l’acte, et on ne sait donc pas s’il y a un risque de récidive. »
Après deux années passées en détention provisoire, Abdellah O., désormais marié et père de deux enfants en Espagne, a déjà effectué la moitié de sa peine. Il devrait donc bientôt pouvoir déposer une demande de libération conditionnelle.
Inchallah !